Les ressortissants de la RCA repoussés à la frontière du Cameroun
Dans le cadre d’un séjour improvisé à GAROUA BOULAI dans le département du LOM et DJEREM, Région de l’EST, CAMEROUN ce week-end, j’ai réussi à prendre le pool à la frontière. Désormais les conditions d’entrées au Cameroun sont plus strictes. Les Camionneurs observent depuis 3 jours un mouvement d’humeur, les forces de l’ordre sont armées jusqu’aux dents…Tout semble aller au ralenti.
Poste frontière de Garoua Boulai. En ce dimanche matin, les Centrafricains défilent au bureau du chef de l’Emi- immigration en quête d’un visa. C’est le cas de Sarah micheline. « A BANGUI, j’ai passé ma licence et je voudrais aller faire un master en gestion de projets en guinée équatoriale. Je suis ici pour voir si je peux obtenir un visa de transit» explique –t elle, sans grande conviction.
« Le visa sollicité, lui a été refusé parce qu’elle ne réunissait pas toutes les conditions. Les histoires comme celles-ci sont connues. Les Centrafricains sont prêts à tout pour traverser la barrière» explique une source.
Le décret n° 2000/286 du 12 octobre 2000 précisant les conditions d’entrée, de séjour et de sortie des étrangers au Cameroun fixe article 27 : la délivrance d’un visa de transit est subordonnée à la production :
– d’un passeport ou de tout autre titre de voyage ayant une validité de 6 mois au moins ;
– d’un billet d’avion valable, jusqu’à la destination finale ou de tout autre justificatif de continuation du voyage ;
– d’un visa on d’une autorisation d’entrée dans le pays de destination finale, le cas échéant
– des certificats internationaux de vaccination requise.
Seuls les universitaires, les diplomates, les chauffeurs des gros porteurs et leurs apprentis et les missionnaires sont exceptés. Toutefois, j’apprends que le chef de poste peut octroyer un visa à certains centrafricains, s’il estime que leur présence en territoire camerounais ne constituera pas un danger pour la sécurité.
Parlant de sécurité, la compagnie d’Infanterie motorisée en abrégé (SIM) et la gendarmerie Nationale du Cameroun passent tout le monde au scanner. Biens et personnes sont fouillés minutieusement. On me laisse entendre que la nuit de samedi à dimanche a été très agitée. Des tirs nourris ont été entendus en RCA. Personne n’en sait plus.
Les agences de voyages mises à contribution
Mr Nkotemessi OBAM a donné des instructions fermes au propriétaire des agences de voyages. « Le chef de poste nous a interdit de transporter les centrafricains. Lorsqu’ils arrivent, nous leur demandons de présenter une pièce d’identité avec la mention Elecam. Aucun récépissé n’est accepté. Ils transportent souvent des armes. Nous les connaissons tous » soutient un chargeur de L’agence de voyages Narral.
Les conducteurs de moto n’osent plus passer de l’autre coté « quand vous allez la bas, ils vous menacent. Ils se comportent comme s’ils étaient fous» avancent-ils. Les Camerounais ont arrêté de se rendre en RCA. S’ils vaquent normalement à leurs activités. Ils se déplacent la peur au ventre. Ceux que vous voyez passer le poste de Garoua-Boulai sont pour la majorité des Centrafricains.
Les forces de l’ordre du Cameroun ont érigé des postes de contrôle dans des coins insoupçonnés. Les éléments du Bataillon rapide d’intervention se font discrets. Avec un tel dispositif, aucune mouche ne circule sans montrer patte blanche.
Ma déception
Mon premier séjour en ces lieux se fait sous escorte policière. J’aimerais pouvoir fouler le sol de la RCA « Impossible madame, vous risquez de vous faire kidnapper. Il est dangereux de se rendre en Centrafrique » explique le chef de poste frontière de GAROUA BOULAI. Même au « bar de la renaissance » situé entre la frontière RCA et le Cameroun, où les anti-Balakas se proposent de m’accompagner le refus de mon garde-corps est catégorique. « Non. C’est non » tranche t il poliment.
Mon echange avec le colonel des anti-Balaka
Chose curieuse. La tenancière de ce débit de boissons ne montre aucun sentiment de peur « on n’est habitué. Quand il y a des coups de feu, on ferme simplement » le bout de femme en rit de bon cœur. Sa clientèle est anti-Balaka. « Nous sommes des frères. Nous nous connaissions déjà avant ce conflit. Pourquoi devrais-je avoir peur ?» m’interroge-t-elle. Au moment où je m’apprête à retourner au poste frontière, Edith Thierry KOE, le chef des Anti-Balaka me fait rappeler. Il tient absolument à me parler. J y vais tremblante « Les Camerounais et les Centrafricains sont nos frères. Nous n’avons aucun problème. On cherche à reconstruire notre pays » ce chrétien veut la paix mais refuse d’enterrer la hache de guerre « un ennemi est un ennemi. Si un musulman Arabe me demande pardon, je vais le tuer. Je refuse de pardonner. Cependant, Il souhaiterait que les autorités camerounaises fassent montre de souplesse « lorsque nos mamans se rendent au marché pour acheter la nourriture de 500 francs CFA, on leur demande 1000 francs CFA. Ce n’est pas sérieux »Conclut-il. Je prends congé de lui.
Statu quo
Avec la situation qui prévaut en ces lieux, on serait attendu à une hausse des prix des denrées alimentaires et autres produits de premières nécessités, mais il n’en est rien « Les boissons gazeuses coutent toujours 500 francs CFA » renseigne-t-on
Mme KAYO tient un restaurant huppé près de l’hôpital de district de Garoua Boulai. Elle aussi n’a pas augmenté les prix « Je vends toujours le plat de Taro accompagné de la sauce jaune à 1500 francs mais j’ai très peur, on ne peut plus se balader. On ne marche plus à partir de 17h. Les centrafricains ont envahis tout le marché, ils achètent tout nos vivres. Je n’arrive plus à satisfaire ma clientèle » Se plaint-elle
Craintes
La RCA devrait se retrouver sans approvisionnement dans les prochains jours, car depuis la fermeture de la frontière Cameroun- RCA, suite à l’assassinat d’un transporteur camerounais à Bangui le 22 mai dernier, le syndicat National des camionneurs professionnels du Cameroun observe un mouvement d’humeur depuis trois jours. Au parc de stationnement de Garoua Boulai, les gros porteurs sont garés. « En six mois, nous avons déjà perdu 5 chauffeurs. C’est beaucoup ! Nous approvisionnons la Centrafrique en détresse. En principe, nous ne devons pas être une cible. Nous ne cherchons pas le pouvoir. Nous faisons uniquement notre travail. Les autorités devraient aider les forces de l’ordre à nous protéger des anti-BALAKA qui nous tuent. Nous préférons tout arrêter et si ca tourne au vinaigre, nous allons décharger les marchandises à la frontière, ils vont venir les chercher » justifie Mr Ibrahima Yaya, le président dudit syndicat. « chaque fois qu’on demande à être escorté, on ne le fait pas. La sécurité avant tout. Nous sommes chez nous. On veut qu’on arrange la situation. Nous sommes des transporteurs et pas des politiciens » soutient AHMED, un conducteur des gros porteurs.
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