Une pensée pour ma Mère (28 mai 2004-28 mai 2014)
Un beau matin, ma mère s’est barrée de ce monde. C’était un 28 mai. Malgré le temps passé, je peux encore me repasser le film de cette matinée noire.
Nous sommes jeudi. Il est 6 heures. Je viens à peine de me réveiller. Je n’ai pas le temps de dresser mon lit. Je me dirige vers la chambre de ma mère. Woffa Lucie Thérèse dort paisiblement. « Encore un autre jour » me dis-je. Rien ne laisse présager le pire.
Pour la petite histoire, ma mère souffrait depuis plusieurs mois. Les médecins de l’hôpital central de Yaoundé où elle était internée durant trois semaines avaient diagnostiqué une anorexie. Quand vous allez chercher sur Wikipédia, vous apprenez que « L’anorexie est un symptôme qui correspond à une perte de l’appétit. Il touche 2 % des femmes dans le monde ». Les causes sont nombreuses. Son mal, lui, était psychologique. Anxiété, dépression. Elle peinait. Du jour au lendemain, elle était passée de 70 kilos à 30 . Heureusement que le test VIH/ sida s’était révélé négatif. Un évènement inattendu et que je préfère taire l’avait entraîné au fond du puits.
Mon petit frère vient d’ouvrir les yeux. Salutations échangées. Je lui demande de passer le balai. Je ferai la popote. Pour ce midi, il me vient à l’idée de concocter du riz blanc + sauce gluante. Je me dis que ma mère appréciera. Tous les ingrédients sont présents pour faire un bon repas. Je sors de la cuisine vers 8 h 30.
Une voisine nous rend visite à la maison ce matin encore. Elle trouve Woffa Lucie Thérèse éveillée. L’étrangère, une parenté à mon grand-père se propose de la nettoyer à l’aide d’un gant et de l’eau savonneuse. Quinze minutes suffiront. Spécialement aujourd’hui, je veux lui enfiler une robe qu’elle apprécie. Je ne sais plus laquelle.
« Non, je préfère ma robe bleue jeans qui a les boutons » me supplie-t-elle. Maman il n’est pas bon que tu portes un vêtement serré. Lui dis-je. Elle insiste. Je m’exécute.
Aujourd’hui et contre toute attente, elle a des envies de bouffe que ma mémoire a effacées. Une chose est sûre. Elle va déjeuner avant de s’éclipser pour l’éternité.
Il faut la remettre dans son lit. Elle peine à marcher. Thatcher comme on aimait à l’appeler du fait de son caractère de dame de fer, sourit avec peine. Son regard est presque fuyant. Elle sourit malgré tout.
A présent, la voisine veut se retirer. Elle promet à ma mère de repasser la nuit tombée. « Merci pour tout » lui répond Thatcher. Ses mots résonnent comme un adieu.
A mon tour de la laisser dormir. Je me retire au salon pour regarder la télévision, lorsque mon petit frère vient me prévenir de son absence. Il est aux environs de 10 heures. MR a subitement envie de désherber les alentours de la maison. Sa démarche me surprend. D’habitude, il faut hurler et tenir le bâton pour qu’il s’y colle. Il n’en sera rien aujourd’hui.
Après son départ, je vais rester un moment encore devant l’écran TV avant d’être emportée par un sommeil inhabituel. Quand j’y repense, Il n’a duré que 10 minutes.
Il est tellement bref que je m’interroge « Pourquoi dormir maintenant ? » Je fonce voir si ma mère va bien.
Elle est en train de rendre l’âme. Sa respiration est maintenant irrégulière. Elle ronfle presque. Je me précipite vers elle « Maman réveille-toi. S’il te plaît » J’implore en vain. Son corps se raidit peu à peu. Il est de plus en plus froid comme un glaçon. Les mouches assistent au dernier chapitre. Elle respire. Une. Deux. Et puis, plus rien…………………………………. Il est 10 h 25. Elle est morte.
La veille, je me souviens qu’elle nous avait servi ce refrain habituel « Je vais mourir. Ma fille, je vais mourir. Rose occupe-toi de tes frères, je compte sur toi. Tu es une grande fille maintenant. » Je venais à peine de souffler 19 bougies. Ma mère est allée jusqu’à partager ses biens. Quand je ne serai plus là, tu appelles tes tantes. Tu remets à chacune, un souvenir de moi. A toi, je lègue ce sac (Marque Louis Vuitton beige. C’était un présent offert par l’une de ses grandes amies ». Gardé dans une chambre, Il a miraculeusement disparu avec le reste des effets « chut ». « Maman arrête avec ton histoire là, tu vas vivre pour nous voir grandir. A défaut, tu pars avec tes fils » lui avais-je répondu sur un ton moqueur. Elle m’avait demandé de lui faire des nattes. Ses beaux cheveux n’étaient plus que l’ombre d’eux-mêmes.
Je garde mon sang-froid. Je suis calme. Je crois rêver. Au moment de pousser son dernier souffle, elle a sali le lit. Je ne veux pas qu’on la voie dans cet état. Je la nettoie du mieux que je peux. Elle l’a souvent fait pour moi. Je la recouvre d’un drap et sors appeler mon petit frère.
Je ne sais plus s’il a vu. Je lui remets un billet de ? C’est flou dans ma tête. « Va chez tata Nene et dis-lui que maman est décédée. Vas-y,dépêche-toi ». Il semble perdu. Il me fait pitié. Il a à peine 14 ans et déjà orphelin.
Je ferme la porte et monte appeler ma tante avant de débarquer chez mon grand-père à Titi Garage. Là, je fonds en larmes « Daddy my mother is dead »
Je garde d’elle le souvenir d’une femme forte, courageuse, humble, serviable, travailleuse, une maniaque de la propreté. En cas de litige, elle savait distribuer les coups de poing. Mon grand-père l’appelait « sa folle ». Elle était différente. Elle est morte incomprise.
Paix à ton âme. We miss you. I’ll always be proud of you. RIP
Permalien : https://munjongue.mondoblog.org/2014/05/28/pensee-pour-ma-mere/
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